Les pièges de l’instantanéité

William Iven

Depuis que la majorité des gens ont un téléphone en poche, qu’il soit intelligent ou basique, on sait qu’on peut les joindre en permanence. Que ce soit le copain, les amis, la famille, on a l’impression qu’il nous est possible à tout moment d’obtenir une réponse instantanée si on envoie un message. Malheureusement, on a tendance à oublier parfois que la vie, elle, n’a pas vraiment changé, et qu’en fait elle s’est même accélérée. On a plus d’activités, plus de choses à faire ou à penser, plus de gens à qui parler, plus, plus, plus…

Il m’est arrivé souvent de me faire dire : tu n’as pas répondu à mon message. Parce que, voyez-vous, il m’arrive encore fréquemment, malgré ces remontrances, de laisser mon iPhone dans le fond de mon sac à main, particulièrement quand je suis avec des gens. Si je dois m’en servir devant quelqu’un, je m’en excuse et idéalement, j’attends que ladite personne s’absente momentanément pour traiter cette « urgence ».

Aujourd’hui, les gens utilisent majoritairement leur téléphone intelligent pour faire tout sauf appeler quelqu’un. On communique de plus en plus par texto, par messenger, par courriel mais très peu vocalement. Il y a, bien sûr, un fossé qui se creuse entre ce type d’échange virtuel et celui qui se fait dans le réel. Car le non-verbal occupe une place importante dans la compréhension du langage de l’autre. Et derrière un écran, nous n’avons que les mots. Pas de ton, pas d’expression faciale, pas de mouvement du corps… Que des mots froidement affichés sur un écran. Et on peut interpréter leur sens de mille et une façons, en fonction de notre histoire, notre état actuel, nos expériences et notre connaissance de la personne.

Quand il s’agit de gens que l’on connaît depuis peu, voire même des presque inconnus que l’on a rencontré via un site ou une application de rencontre, le piège peut être encore plus grand. N’étant pas familier avec l’humour ou la subtilité de la langue utilisée, il n’est pas rare de voir des conflits ou des jugements erronés poindre rapidement.

Entre certaines personnes, le flux de messages peut couler sans souci alors que pour d’autres, une tension s’installe. C’est donc important de ne pas considérer que tous ont le même réflexe et la même compréhension dans ce type d’échange. Quand on se rend compte que des explications sont souvent nécessaires après des conversations virtuelles avec quelqu’un, mieux vaut s’en tenir à la base et favoriser les appels téléphoniques qui permettent une exposition plus juste des intentions.

Dernièrement, j’ai vu une femme dans un café raconter à son amie une conversation vécue par texto avec une nouvelle flamme. En entendant ses propos, je n’ai pu m’empêcher de penser que ses émotions prenaient le dessus sur la rationalité nécessaire à l’interprétation. Comme si elle savait que j’entendais leur conversation, elle m’a demandé mon avis. J’ai pu lui expliquer doucement mon point de vue et lui suggérer d’appeler cette personne pour vérifier sa compréhension au lieu de lui attribuer des intentions supposées. Et j’ai vu dans son regard cette étincelle qui signifiait : mais oui, c’est vrai, on peut encore se parler de vive voix…

Après un moment où elle a parlé avec son interlocuteur à l’extérieur, elle est revenue vers nous et m’a remercié car en effet, elle avait mal compris ce qu’il tentait de lui dire. Et je crois sincèrement que cette leçon restera gravée longtemps dans son esprit.

Il faut réellement être prudent dans nos échanges et notre façon de traiter l’information. Un seul mot peut avoir plusieurs significations et sans son contexte, ça peut déclencher des scénarios mentaux destructeurs. Ajoutez à cela les hormones, les émotions, la fatigue et j’en passe, et on a là un cocktail explosif!

Soyons vigilants et rappelons-nous qu’à la base, la communication se fait entre humains, pas à travers des appareils et des écrans. On risque ainsi d’éviter de vivre des tourments et du stress inutile. Il me semble que la vie est déjà assez mouvementée, on n’a pas besoin de s’en rajouter sur les épaules…

 

Photo : Unsplash | William Iven

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