La vie n’est pas injuste

Jordi Ganduxe

Ce matin, en écoutant la radio, j’ai entendu l’expression purement québécoise : les bottines doivent suivre les babines. Outre le côté coloré et ludique de cette formule, je trouve qu’elle représente la philosophie que j’ai toujours tenté de pratiquer. Agir tel qu’on le conçoit, être cohérent avec nos valeurs, faire ce que l’on croit et appliquer les règles que l’on dicte me semble une façon de s’assurer de vivre dans un mode détendu et en paix.

Je suis un peu allergique au chialage inutile. Critiquer une situation injuste pour rétablir l’équité n’est pas inutile mais ressasser toujours les mêmes choses, se plaindre de sa situation mais ne rien faire pour la changer, s’apitoyer sur son sort et ne pas être capable d’admettre sa responsabilité dans les événements qui nous arrivent, pour moi, c’est complètement superflu et agaçant. Ça ne mène nulle part, ça mine le moral des gens qui nous entoure et ça entretient une mauvaise énergie.

Quand quelqu’un se plaint de quelque chose de futile, bien souvent, je vais lui passer un commentaire. Car je crois qu’on a tendance à accorder trop d’importance à des détails qui n’ont, en réalité, aucun impact réel sur nos vies. Quand on passe notre temps à chialer sur tous ces petits riens, on entretient une spirale négative, on s’influence soi-même et on amène à notre esprit des ondes négligeables.

Je tente de pratiquer chaque jour ce mode de pensée, de laisser aller les petits irritants pour ne pas qu’ils me contaminent et j’essaie de demeurer dans la gratitude. Des fois, ça ne fonctionne pas mais j’en prends conscience et déjà, ça change mon état d’esprit. Je me souviens de l’époque où je râlais en permanence, je protestais contre la moindre petite parcelle de problème, comme si la vie s’acharnait sur moi. Et j’en ris… Car je me dis qu’au moins, aujourd’hui, je le sais.

C’est aussi pourquoi je tente de conscientiser les autres autour de moi. On a déjà osé me parler du petit nuage noir qui semblait flotter au-dessus de ma tête en permanence et cette révélation a changé le cours de ma vie. Je me dis qu’il faut parfois un regard externe pour comprendre certains aspects de notre personnalité et si mon interlocuteur n’est pas prêt à recevoir le commentaire, je poursuis mon chemin.

Chaque fois qu’un petit impair est commis, chaque fois qu’une faille dans mon bonheur survient, je tente de me ramener à l’essentiel : je suis en vie, en santé et vraiment pas dans la merde financièrement. Est-ce que ce nono qui m’a coupé en voiture, cette personne qui parle fort ou ce serveur désagréable va venir gâcher le bonheur que je ressens? Ai-je vraiment envie de lui accorder ce pouvoir sur moi?

Quand on voit ça dans ce sens, bien souvent, on change de perspective. Et je ne veux pas avoir l’air de celle dont la vie est toujours parfaite, qui ne se fâche jamais ou qui vit sur un nuage. Loin de là! Mais je crois qu’il y a une multitude de petits moments fâcheux qui ne devraient, en fait, pas être importants, ou du moins auxquels je ne devrais pas m’attarder.

Et quand on dit que les bottines doivent suivre les babines, ça me fait penser à cela. Que le discours que j’entretiens, que les messages que je tente de véhiculer fassent partie de mon quotidien. Je ne me sentirais pas honnête si je passais ma vie dans un mode amorphe et déprimé, agissant tel un Calimero pour qui la vie est trop injuste.

J’aime cent fois mieux essayer de m’améliorer, d’avouer mes faiblesses et d’admettre mes difficultés que de vivre dans une marre de sarcasmes. C’est peut-être la portion de candeur de mon caractère mais peu importe, ça me convient! Je préfère voir la vie en rose naïvement que la voir noire brutalement…

 

Photo : Unsplash | Jordi Ganduxe