Le besoin de rêver

Alexis Fauvet

On entend beaucoup de nouvelles à saveur électoraliste ces temps-ci, sorte de passage obligé ou de grande mascarade prévisible quand la date butoir approche. Pendant des mois, on se fait serrer la ceinture et balancer des discours vides et égocentriques pour que, tout à coup, on devienne la prunelle des yeux de ces orateurs. Ce billet n’est pas à saveur partisane, mais fait plutôt office de réflexion sur nos processus politiques, notre manière de s’intéresser, ou pas, à ce que nos dirigeants décident, dictent et implantent.

Peu importe la couleur du parti, la recette est sensiblement la même. Pendant des mois, on nous chante la pomme, on nous séduit à grands coups de projets majeurs, d’initiatives alléchantes et d’idées fortes. On veut marquer les esprits, laisser son empreinte et tenter de sortir du lot. Mais une fois l’élection passée, le couperet tombé, l’équipe en place prend ses aises et fait à sa tête. Pourquoi? Parce qu’une fois la date fatidique passée, les citoyens s’intéressent souvent trop peu à ce qui se dessinent en haut de la pyramide.

Suis-je cynique ou défaitiste? J’aimerais bien… Mais j’ai plutôt tendance à croire que je suis réaliste à voir et à lire tout ce qui se passe ces derniers temps. J’ai longtemps cru que c’était dans notre communauté qu’on pouvait agir, avoir un impact, s’investir pour vrai. Que dans notre municipalité ou un groupe restreint réuni par un intérêt commun, il paraissait plus simple de faire bouger les choses.

Mais le problème, c’est que les budgets sont gérés là-haut, dans cette haute sphère inatteignable et mystifiée. Et si quelqu’un décide que les services X ou Y ne sont plus la priorité, ça en est fini pour eux… C’est ce qu’on a pu tristement constater avec l’éducation et la santé. Beaucoup d’organismes et de services sont passés dans le tordeur de « l’austérité » qui, aux yeux de certaines personnes, était cruciale pour rétablir l’ordre. Mais, pendant ce temps, on a sacrifié une génération de jeunes et laissé dans la misère des gens malades.

Je ne veux pas dire à quiconque ce qu’il doit faire ni pour qui voter dans l’urne cet automne mais j’aimerais simplement, qu’au lieu de se baser sur trois articles de journaux et deux entrevues à la télé, chaque citoyen commence par faire un petit examen de conscience, se pose des questions sur ses valeurs et sa vision du monde. À quoi aspire-t-on en tant que citoyen et électeur? Qu’est-ce qui nous semble être prioritaire, juste, équitable et apportant plus de valeur dans la vie des gens?

Comment veut-on imaginer le Québec de demain? Quelle teinte veut-on lui donner, quelles racines espère-t-on qu’il développe? Et si, au lieu de penser en mode opérationnel, on passait en mode projet, en mode espoir, en mode vision et stratégie? Au lieu de tenter d’équilibrer un budget à tout prix, si on se mettait à rêver un peu de ce que notre Québec pourrait être dans 10, 15, voire 20 ans. Sortir du carcan du mandat de 4 ans pour voir au-delà des élections…

Quand je regarde les politiciens en ce moment, je me reconnais peu car j’ai l’impression qu’ils sont contaminés, entachés d’égocentrisme et de soif de pouvoir. Ce n’est plus le bien commun qui prime mais l’avancement personnel, la reconnaissance absolue. Et on sait pertinemment que quelqu’un qui pense à lui d’abord n’amènera jamais le groupe à bon port. Il sautera en dehors de la barque au moindre coup de vent qui l’effraiera au lieu de s’allier aux autres pour ramer dans la tempête. On a besoin d’être inspiré et de se sentir impliqué dans ce qui se décide. Suis-je la seule à rêver d’un monde meilleur?

 

Photo : Unsplash | Alexis Fauvet