Avancer sans plan

Cameron Kirby

Pendant des années, j’ai toujours eu un plan. Un plan mental des lieux où je me trouvais, un plan des choses à faire, un plan B professionnel, un plan avec plein de « en cas que »… Vous l’aurez compris, j’étais une grande angoissée. J’avais besoin, psychologiquement, de prévoir des sorties de secours, de contrôler mon environnement, de voir venir les coups et de diminuer l’imprévisible. La spontanéité ne faisait pas partie de ma personnalité…

Puis, avec du travail sur moi et beaucoup de patience, j’ai atténué ce besoin de savoir et de surveiller.  J’ai appris à me faire confiance, surtout, dans ma capacité à m’adapter et à faire face à l’inattendu. Aujourd’hui, encore, par moment, je sens un fond d’anxiété qui se pointe, un relent d’insécurité, une impression de perdre le contrôle. Mais je respire bien profondément, et surtout, je me souviens.

Je me souviens de ce que ça me faisait vivre de vouloir trop dompter ma vie, d’essayer d’être trop parfaite, trop cadrée, trop censurée. Je me souviens du sentiment de libération quand j’ai enfin compris que je pouvais lâcher la bride, sans risque de tomber, sans risque d’avoir mal, sans risque qu’on rit de moi, qu’on m’intimide ou m’éjecte. C’est comme si tout à coup, ma tête avait compris que j’avais le droit d’exister, d’être moi-même, que j’étais légitime telle que j’étais.

J’ai encore certaines peurs, des craintes probablement saines qui me permettent de me protéger des menaces, des soucis et des peines. Mais maintenant, je peux faire appel à mon instinct puisqu’il n’est plus emmuré dans une tour d’angoisse. Je peux choisir de faire confiance à des gens sans garder, dans un coin de ma tête, un mode alerte, un mode survie, constamment activé. Je peux lâcher prise et vivre, tout simplement…

Et, dans la lignée de cette transformation, je partirai sur les chemins de Compostelle en septembre, avec un groupe encore inconnu, un trajet encore ignoré et toute sorte d’éléments qui seront nouveaux et déstabilisants. Mais, j’ai confiance en ma capacité à savourer ce périple en m’adaptant de mon mieux et en apprenant sur moi au fur et à mesure des kilomètres et des rencontres.

Jamais je n’aurais pu envisager de faire un tel voyage avant. Trop stressant! Je sais que ça peut paraître absurde pour certaines personnes d’associer stress à Compostelle mais le simple fait de ne pas maîtriser chaque aspect de l’aventure m’aurait complètement figée. À ce jour, je n’ai pas encore acquis l’assurance totale que tout se passera bien mais je me laisse guider et tente de faire confiance à la vie pour m’aider à m’accoutumer.

Une belle prise de conscience qui me revient en tête, c’est le principe de l’harmonie. Ce concept se définit par un rapport heureux entre les parties d’un tout, qui sous-entend un accord, une acceptation et une convenance. En pratique, ça peut se résumer par cesser de se battre, et plutôt s’ajuster et apprécier. Vivre en harmonie avec la nature, vivre en harmonie avec les autres. Ce n’est ni s’effacer, ni se soumettre. C’est simplement être qui on est dans un ensemble, avoir sa place et compléter un tout.

L’harmonie se vit aussi intérieurement, entre l’âme et le corps, entre la tête et le cœur. L’important, c’est d’être attentif à tout cela, ne pas se concentrer sur une seule portion, vivre en harmonie avec soi-même en acceptant toutes ses facettes. On s’en rend à peine compte, mais bien souvent, on fuit une partie de soi et ça nous prive d’une paix, d’un équilibre, d’un sentiment d’apaisement.

Alors, je n’ai aucune idée comment je vivrai mon expérience sur ces chemins mythiques, mais je sais surtout que j’apprendrai sur moi, je mettrai à l’épreuve mon bagage et mes convictions, je réviserai mes valeurs et mes priorités, je frapperai quelques murs et je devrai accepter ce qui surviendra. Et juste pour cet exercice, je sais que c’est un excellent choix. Pour le reste, advienne que pourra!

 

Photo : Unsplash | Cameron Kirby

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