L’art d’espérer et d’être patient

Brandi Redd

La patience n’est pas ma plus grande qualité. Je travaille fort pour m’améliorer mais, au fond de moi, je sais que je ne serai jamais la plus résignée. C’est que j’ai réalisé aussi à quel point on passe beaucoup de temps dans notre vie à attendre, parfois pour de bonnes raisons mais parfois pour de mauvaises. Chose certaine, il y a des attentes plus euphorisantes que d’autres…

Attendre en file à l’épicerie ou dans tout autre magasin, ça peut aller. Quoique je déplore toujours l’étalage de bonbons qu’on s’obstine à nous mettre sous les yeux, et surtout, sous ceux des enfants dont les parents exaspérés doivent gérer une fois de plus un refus mal reçu. Attendre dans le trafic me dérange un peu plus mais, en bonne banlieusarde que je suis, j’accepte mon choix et je tente de rendre ce moment plus agréable, grâce à la musique entre autres.

Mais attendre après un résultat de test médical, sachant les délais encourus dans notre système embourbé, là, je suis moins tolérante. Surtout quand on m’exige un test supplémentaire, qu’une erreur a été commise au labo ou qu’on s’est trompé sur le formulaire originaire de la demande. Quand ça touche notre santé, c’est toujours plus troublant, et ma mèche de patience s’amenuise rapidement.

Il y a aussi les attentes plus « futiles », quand on attend un coup de fil d’une nouvelle flamme, quand on tend une perche à un « prospect », quand on donne son numéro sans savoir s’il y aura une suite. Ces petits moments grisants où les papillons nous envahissent, où le stress est positif et l’avenue moins impactante, outre peut-être pour notre estime qui peut en être affectée ou blessée, temporairement.

Je n’ai pas d’enfants mais je peux m’imaginer aussi l’attente des parents les premières fois où leur progéniture a la permission de « rentrer tard ». Combien de parents se rongent les ongles en attendant patiemment, sur le divan, faisant semblant d’écouter un film palpitant alors que l’histoire ne s’est même pas forgée un petit filon dans leur esprit tant ils sont préoccupés… Mais c’est une attente justifiée, qui annonce des changements de routine, l’évolution normale des choses et qui rappellent, surement, leur propre adolescence…

Attendre une réponse, attendre chez le médecin, attendre que le projet débloque, attendre que l’hiver finisse enfin, attendre qu’on nous donne un permis, attendre l’acceptation d’une offre d’achat sur une maison rêvée, attendre le sexe du bébé, attendre les suites d’une opération, attendre son amoureux, attendre son avion, attendre une subvention, attendre son colis, attendre d’aller mieux…

On attend beaucoup mais on oublie parfois de s’accorder autant de patience et de bienveillance qu’on en accorde aux autres. On pardonne le retard de l’un, la mauvaise blague de l’autre, l’erreur coûteuse ou la maladresse de nos proches. Mais quand ça vient de nous-même, on s’auto-flagelle, on se critique durement, on s’en veut beaucoup. Pourtant, on le dit souvent mais l’applique peu : l’erreur est humaine!

Être humain, c’est aussi ça. C’est faire des faux pas, devoir s’excuser, devoir accepter d’avoir des faiblesses, des petits bobos comme des traits de caractères moins gracieux. Comme le fait que je sois parfois intolérante ou impatiente parce que ça ne va pas assez vite ou pas comme je le voudrais. Mais quand j’en prends conscience, je me dis ceci : dans un an, est-ce que tu vas encore y penser, est-ce que ça aura eu une incidence réelle sur ta vie? Si la réponse est non, je prends deux-trois respirations et j’essaie de relativiser. Parce qu’il y a trop peu de temps dans une vie pour le gâcher sur des peccadilles…

 

Photo : Unsplash | Brandi Redd