Être parfait

Alex Block

Être parfait, c’est quoi au juste? La définition même de la perfection est propre à chacun. Mis à part l’intimité, je crois qu’il n’y a rien de plus personnel que l’idée qu’on se fait de la perfection et de la beauté. Ce qui me plait à moi révulse mon voisin, ce que je considère comme idéal en dérange d’autres. Mais, depuis la nuit des temps, on essaie de devenir parfait. Et, personnellement, j’en ai marre.

Être parfait dans son imperfection est un concept que j’ai commencé à intégrer depuis longtemps. Ça signifie m’accepter comme je suis mais pas juste en surface. Ça veut dire accueillir mes failles les plus profondes, tolérer mes monstres enfouis, embrasser mes défauts et réconforter mon enfant intérieur. Se révéler à soi-même, arrêter de craindre sa vulnérabilité et foncer, le sourire aux lèvres et la joie dans le cœur. C’est ça, être parfait, pour moi.

Ce n’est pas une question de poids ou de taille, ni de forme du visage ou de grosseur de seins. C’est beaucoup plus profond que l’enveloppe corporelle à laquelle on accorde mille fois trop d’importance. Oui, c’est le fun de se sentir belle, d’être bien dans ses vêtements. On peut se donner du courage pour une entrevue en enfilant ses plus beaux atours mais au fond de soi, si notre estime a l’ampleur d’un petit pois, personne n’y croira. Même pas nous.

J’en ai assez qu’on dépense notre énergie à vouloir être autre chose que soi, à vouloir faire comme si, à tenter de rentrer dans le moule. Ce n’est ni le premier ni le dernier billet que je rédigerai sur le sujet. Parce que je crois qu’on a besoin de se le rappeler. Parce que je crois qu’on a besoin de penser plus avec son cœur, avec son âme. Pas avec son cerveau ni son portefeuille.

Avec cette tendance à choisir son futur partenaire de vie comme sa prochaine paire de jeans, via un écran, et basée uniquement sur deux photos et trois critères, on perd le fil de ce qu’est une relation humaine. Sentir la vibe de quelqu’un, il n’y a rien de plus séduisant. Frôler l’épaule et ressentir des frissons jusqu’à la racine des cheveux, c’est impossible par Tinder. Et peut-être que votre prince charmant n’est juste pas photogénique et a choisi de mettre des photos un peu quelconques sur son profil. Et parce que tout ce que vous avez pour juger est une image, vous l’envoyez dans la mauvaise pile. Celle des rejetés.

C’est vraiment comme cela qu’on croit pouvoir bâtir sa vie? À coup de mascara, de swipe sur un téléphone et de vêtements cheap achetés à outrance, made in Bangladesh? Ça me rend triste et je travaille fort pour sortir de ce cercle vicieux, pour ne pas tomber dans le panneau immense qui m’entoure constamment. Mais si on ne prend jamais de recul, on s’y enfonce, inévitablement.

Être parfait, c’est être soi, à la base, dans ce qu’il y a de plus profond et intrinsèque en soi. Revenir à l’essentiel, à la nature même de l’humain. Platon définit l’être humain comme « un vivant mortel qui possède une âme, qui possède un corps ». Pas un gros char de luxe, une cabane d’un million et des Manolo Blahnik aux pieds. Juste une personne avec une âme et un corps, point barre.

La grande Simone De Beauvoir disait : « Être libre, ce n’est pas avoir le pouvoir de faire n’importe quoi ; c’est avoir devant soi un avenir ouvert ; c’est être maître de son destin. » Notre destin, il ne se trouve ni dans les centres commerciaux, ni sur les réseaux sociaux. Et pour en être maître, il faut d’abord et avant tout cesser de vouloir tout avoir. Pour être parfait, il faut d’abord revenir à l’être. Et simplement être heureux, dans ce que nous sommes.

 

Photo : Unsplash | Alex Block