Dehors novembre

Scott Webb

Corvée de feuilles hier. En fait, je dis corvée, mais en réalité, j’adore cela. Ça me ramène loin derrière, quand j’étais petite et que je sautais dans les tas de feuilles que mon père tentait de contrôler. Ce temps où l’insouciance régnait dans ma vie, où mes plus grandes préoccupations étaient constituées de jeux, de nourriture et du pyjama que j’allais porter pour dormir.

Je n’ai jamais compris ceux qui achètent ces souffleurs à feuilles. Outre le bruit agressant qu’ils produisent, il me semble que ça coupe tout le plaisir qu’on a de jouer dans ces derniers vestiges d’une saison chaude qui s’étiole. Ceux qui vivent à la campagne avec d’immenses terrains me diront qu’ils n’en viendraient jamais à bout et je peux comprendre. Mais quand je vois un voisin s’armer de cet appareil alors qu’on a des minuscules terrains de la largeur de nos maisons de ville, j’avoue que je suis perplexe.

En plus, c’est du sport gratuit! Ça fait travailler les muscles moins sollicités normalement et ça permet de prendre l’air. Que demander de plus? Mais aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on est trop pressés, trop stressés, pour retrouver ce genre d’amusement dans les petits détails de la vie. Tout devient une corvée, on perd le sens du divertissement. On achète des machines pour régler plus vite des tâches ingrates mais on paye un abonnement au gym pour s’entraîner. Allez comprendre…

Je nous regarde aller parfois et je rigole. Il me semble qu’on se complique la vie, beaucoup. On achète plein de produits pour se simplifier la vie mais on passe notre temps à tout nettoyer, parce qu’on a beaucoup de biens. On peste contre l’internet qui lâche ou le iPhone qui déraille mais on oublie que la vraie vie, elle n’a pas besoin de connexion wifi ni d’écran. On se commande des boîtes d’aliments pré-mesurés mais on se plaint qu’on ne sait pas cuisiner…

Parlant de ces boîtes, désolée si vous en êtes un fervent consommateur mais pour moi c’est non. Un des avantages d’avoir Internet haute vitesse, c’est justement d’avoir accès à une multitudes de recettes. Alors je ne comprendrai jamais qu’on puisse demander à une entreprise de décider à notre place ce qu’on va manger. En plus, c’est polluant avec tous ces emballages multiples et ça coûte les yeux de la tête.

Le plaisir de faire les choses soi-même se perd avec le temps. Que ce soit cuisiner ou entretenir son terrain, il y a de plus en plus d’entreprises qui proposent de tout faire à notre place. J’en conviens, je suis la première à déléguer mon ménage mais c’est pour passer plus de temps dehors et profiter de la vie. Jamais je n’accepterais qu’on gère mon alimentation ou qu’on m’enlève le plaisir de jardiner.

Avec une famille et une vie bien remplie, je peux concevoir la sous-traitance quand c’est pour une bonne cause. En revanche, quand je vois des gens évachés sur leur sofa au lieu de jouir de leur santé, je me dis qu’on n’a pas la même philosophie. Et quand je les entends se plaindre de douleurs au dos ou ailleurs, je tourne ma langue sept fois…

Dehors, novembre prend ses aises et nous apporte sa grisaille, son petit vent froid et sa noirceur tôt en fin de journée. Mais c’est un cycle, un passage obligé. Alors, si au lieu de se plaindre de sa présence, on l’acceptait, on l’accueillait et on trouvait une façon de l’apprécier, il me semble que ce serait moins pénible, non? C’est si plaisant de cuisiner de bons petits plats réconfortants qui réchauffent la maison et diffusent leurs effluves. Surtout après avoir travaillé dehors. C’est comme quand on était enfant et qu’on savourait un bon chocolat chaud en revenant de patiner et jouer dans la neige. On ne chialait pas contre l’hiver, on en profitait. Alors il n’en tient qu’à nous d’agir ainsi, encore aujourd’hui.

 

Photo : Unsplash | Scott Webb

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