Hier, ma longue sortie de course s’est faite dans des conditions presque parfaites. De doux rayons de soleil traversaient les nuages dispersés, la température, idéale, me rafraîchissait quand mon corps emmagasinait trop de chaleur et les rues étaient majoritairement dégagées. Quand on dit que les astres étaient alignés, je pense que c’est de cela dont on parle.
Mais ce qui m’a le plus ravi durant mon activité, c’est de voir la vie autour de moi, d’être ouverte à ce qui se déroule, sans être crispée par le froid et sans avoir les yeux rivés au sol à cause de la glace. Je pouvais observer, sourire, humer et savourer ce moment précieux. Et il n’y a rien de mieux pour la santé mentale que de sortir un peu de sa bulle confortable pour regarder ailleurs ce qui arrive.
J’en parle souvent mais aujourd’hui, on est trop souvent absorbé par nos appareils. On perd peu à peu cette capacité de déconnexion. Récemment, j’écrivais sur le sujet et une fidèle lectrice, Céline, me parlait de ses trajets en autobus où elle en profitait pour méditer et contempler les boisés environnants avec un grand plaisir. Chevreuils, buses et grands hérons lui font parfois l’honneur de sortir de leur cachette, comme un petit bonjour sur son passage. Cette année, une famille de lièvres a fait son bonheur.
Et hier, j’ai vécu le même genre de moment, dans une petite rue tranquille. Le corps bien droit, concentrée sur ma respiration, j’avançais le pas léger en tenant le rythme. Et tout à coup, un petit lièvre a bondi d’un buisson pour faire quelques sauts avant de trouver refuge dans la haie de cèdres. Je devais avoir l’air d’une enfant de 6 ans avec mon sourire béat et mes yeux brillants. J’étais émerveillée devant ce beau moment. La nature dans toute sa beauté.
J’adore les lièvres, ce sont des animaux agiles, perspicaces et dans les plus mignons qui soit. Leur beau pelage grisonnant, leur queue comme un petit pompon de tuque et leurs grands yeux ronds me charment à tout coup. Mais ce qui est le plus merveilleux, c’est qu’ils sortent toujours quand on s’y attend le moins et que notre cœur fait un bond, autant à cause de la surprise que du plaisir de les voir ainsi se déplacer joyeusement.
Cette capacité de s’émerveiller, j’ai la nette impression qu’elle s’effrite et qu’elle est ensevelie sous une tonne de divertissements infantilisants. Ce n’est ni Netflix ni Facebook qui nous offriront de telles émotions car il n’y pas une vidéo qui aura le réalisme de la vraie vie, aussi professionnelle soit-elle. Il n’y a rien qui vaut le plaisir de se promener en forêt et d’y admirer sa faune en direct, en sentant le sapin et l’odeur du bois qui brûle au loin.
Je crois sincèrement qu’on doit l’entretenir, cette faculté d’émerveillement, qu’on doit faire des efforts pour qu’elle ne meurt pas. Que chaque minute qu’on peut investir dans l’appréciation de la nature, de la beauté du monde rend notre cœur plus léger et le ramène à la pureté de la vie, l’essence même de l’existence. On pollue notre esprit à grand coup d’insignifiance trop souvent, on s’abrutit devant tant de futilités alors qu’autour de nous, le monde se dévoile.
Se connecter à la nature, prendre le temps de la regarder, c’est s’offrir du temps de qualité. Nul besoin d’aller loin pour le faire, comme nous le démontre Céline. Un simple trajet d’autobus peut devenir une source d’inspiration et de paix intérieure. Il suffit d’y penser, de se donner la chance de vivre un beau moment au lieu de s’occuper l’esprit à tout prix.
Ces jours-ci, je compte les dodos avant les vacances de Noël. Pas pour les cadeaux, mais pour le temps que j’aurai pour savourer la vie et regarder la nature s’épanouir. Je rêve du moment où je serai dans mon patelin et où mon oncle allumera le grand feu que je réclame à chaque année. Que voulez-vous, pour moi, c’est ça le bonheur. Une forêt, un feu extérieur, la famille et l’air pur au bord du lac…
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