Prendre son envol

Sebastián León Prado

Ça y est, c’est un point de non-retour. Hier soir, j’ai acheté mon billet d’avion pour Venise. Rien d’autre n’est planifié encore, jamais je n’aurais fait cela avant. Moi qui scrutais la carte sur Google pour voir où je pourrais me stationner en allant à un rendez-vous il y a quelques années, je suis devant une page blanche, un plan encore à définir. Je ne connais que la destination d’arrivée, le point de cueillette qui me servira aussi pour mon retour. Le reste est à créer. C’est grisant et un peu stressant.

Partir seule pour aller voir ailleurs qui je suis. C’est un peu ça le plan. Fêter mes 40 ans avec des inconnus, me perdre dans les détours de Venise, apprendre un brin d’italien, me laisser bercer par le silence de ce lieu mythique. Il y a pire comme stress me direz-vous? Tout à fait. Mais pour une ex-angoissée comme moi, c’est tout de même déroutant. Les habitué(e)s du sans plan trouveront surement cela anodin mais on n’a pas tous la même tolérance au risque, au flou, à l’inconnu.

Quand on parle de voyage, ça en révèle beaucoup sur les gens. Certains aiment que tout soit prévu au quart d’heure près alors que d’autres se laissent influencer par les lieux, le moment, les rencontres. Et chaque rythme, chaque plan se vaut en autant qu’il soit assumé. C’est là la clé. Depuis des jours, je tergiversais et hier soir, je me suis lancée. Le prix du billet était excellent, je savais que la destination principale ne changerait pas alors j’ai plongé. Pour le reste, je déciderai ce qui me fait envie, au fur et à mesure de mes lectures et découvertes.

J’ai décidé d’aller ailleurs pour cette fête, ce changement de dizaine, pour me sentir vivante et me prouver que je suis apte à sortir de ma zone de confort, pas juste d’en parler. Je le fais à petite échelle au quotidien mais je ressentais ce besoin d’aller plus loin, de pousser un peu plus la limite de cette zone. Mon anglais est moyen, mon italien inexistant mais je reste convaincue que j’arriverai à me débrouiller. On s’entend, je ne pars tout de même pas en zone de guerre…

J’ai envie de farniente, de lenteur, de calme et de beauté. J’ai envie de regarder au loin, de voir autre chose, de sentir une énergie nouvelle et de me laisser imprégner d’une ambiance distincte. Pourquoi? Je ne sais pas et on s’en fout. Ce qui compte, à mes yeux, c’est de m’écouter, de faire confiance à mon instinct et de foncer. Le reste suivra, peu importe les choix que je ferai.

« 2 semaines complètes à Venise? » m’a-t-on rapidement demandé? Peut-être, ou peut-être pas. C’est un centre qui rend accessible tant d’autres destinations. C’est un pôle intéressant, un point d’ancrage qui m’assure un accès mais aussi un retour facile. En fouillant, je déciderai de ce que j’ai envie d’en faire. Je ne crois pas qu’on puisse s’ennuyer à Venise. Trop peu de temps me semble pire que trop de temps. Bref, on verra ce que mon cœur me dictera.

C’est un gros move pour moi. Je me remets en selle en quelque sorte. J’ai pris soin de mon vieux matou pendant des années, ce qui m’a fait choisir d’autres sortes de vacances, plus courtes, plus près. Et mes « vrais » voyages, je les ai faits en compagnie de mon paternel, grand amoureux du voyage. Je crois que mon cœur endeuillé n’était pas prêt à faire le pas seule, sans lui à mes côtés pour me rassurer.

Mais voilà, une page est tournée, le billet est acheté et la destination est choisie. Le reste ne sera que bonheur, plaisir et frénésie. J’espère m’amuser et sourire à profusion, c’est mon seul souhait. J’espère surtout aimer mon périple assez pour avoir envie de repartir, de répéter l’expérience. C’est pourquoi j’ai choisi cet endroit enveloppant et sécuritaire. J’ai beau écouter mon cœur, mon esprit stratégique n’est jamais bien loin. Je m’auto-manipule pour avoir envie de répéter l’expérience. Pas folle la fille ou complètement givrée? Peu importe… Bientôt, je m’envole.

Photo : Unsplash | Sebastián León Prado

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