Le culte du bien-être

Ian Froome

Avez-vous lu l’enquête de La Presse+ sur le « gourou » du yoga qui s’est mystérieusement volatilisé alors que s’accumulent les preuves contre lui? J’ai été très troublée par cette lecture que vous pouvez trouver ici. Car, de l’extérieur, son centre semblait tout ce qu’il y a de plus normal et j’ai bien failli assister à l’une de ses conférences, n’eut été d’un empêchement de dernière minute.

Ce qui m’a profondément dérangé dans cette histoire, c’est l’abus de pouvoir de la part d’une personne qui souffre visiblement de troubles mentaux. Car, je suis désolée d’être crue, mais quand on se proclame génie refoulé, qu’on dit devoir gouverner l’humanité et habité d’un chaos pur, il ne faut pas être très connecté à la réalité. Prenez une personne qui est vulnérable, bourrez-lui le crâne de vos grands discours et vous vous retrouvez dans un scénario frôlant celui de Roch Thériault.

Ce qui m’attriste en fait, c’est que tout cela soit relié au yoga. Car, des sectes, il y en a eu et il y en aura encore puisque l’abus et la soif de pouvoir perdurent. Mais de relier cela à une pratique qui se veut, à l’origine, spirituelle et posturale, dans le respect du corps et de ses adeptes, ça me donne froid dans le dos. C’est comme un double abus. Abuser des gens mais aussi abuser d’une sphère sensible de la vie : la recherche du bien-être.

Il est vrai que, dans ce domaine, plusieurs poussent trop loin sans être formés pour faire face aux conséquences. Beaucoup de gens ne connaissent pas leur propre condition et se lancent dans des cours de plus en plus extrêmes, tentant d’atteindre des niveaux avancés trop rapidement. Le respect du corps, c’est la base même du yoga mais la sacro-sainte performance vient déloger l’aspect relaxation et zénitude de la pratique.

Lorsque je lis des histoires d’abus de la sorte, ça vient me chercher car je me dis que ça peut arriver à tout le monde. On ne peut pas juger ceux et celles qui se sont fait ensorceler car c’est du travail fignolé et de longue haleine pour réussir à isoler les victimes, à les convaincre et les inciter à se couper des autres qui ne sont pas dans la « clique ».

J’ai de la peine pour ces proies qui se réveillent, maintenant, face à la dure réalité : tout cela n’était que mirage et elles ont souvent perdu gros. Et nul besoin d’atteindre un tel niveau d’enrôlement : on a tous vu des gens se laisser convaincre d’investir dans des entreprises à risque ou de suivre des conférences ou formations plus ou moins officielles. Alex Perron en fait d’ailleurs un spectacle actuellement, se moquant des coachs de vie qui poussent comme les pissenlits.

Je ne dis pas que tous ces gens sont des charlatans mais, bien souvent, une personne a soigné ses propres blessures et se découvre un talent d’orateur après avoir retrouvé sa confiance et son estime de soi. Ça n’en fait pas pour autant une référence. Ça peut faire du bien, j’y assiste moi-même par moment, par plaisir. Mais il faut faire attention à ce qu’on laisse entrer dans nos vies.

La morale de cette histoire, je crois, c’est qu’il faut être prudent dans notre recherche du bonheur. Quand la recette semble trop facile, méfiez-vous. Et rappelez-vous toujours que vous êtes le seul maître de votre vie : personne ne peut ou ne devrait vous dire quoi faire. Soyez toujours libre de faire ce qu’il vous plait de votre temps et votre argent. Et surtout, lorsque vous vivez un coup dur, tournez-vous vers votre famille et vos amis sincères et non vers de parfaits inconnus qui vous promettent une guérison miracle… Finalement, si vous dérapez un peu, ne vous culpabilisez pas. Soyez conscients mais indulgents envers vous-même. Namasté!

Photo : Unsplash | Ian Froome

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