Deux poids, deux mesures

Alex Jodoin

Ces jours-ci, j’ai entendu du beau comme du très laid, des éloges et du jugement gratuit, parfois insignifiant. Et malheureusement, tout ça en lien avec un moment historique, soit l’élection de la première femme à la mairie de Montréal. Je ne tomberai pas dans la partisanerie, mon but n’est aucunement de faire l’apologie de son parti mais je considère que ce fait mérite d’être souligné. Et, dans toutes les critiques, articles et chroniques que j’ai lus, j’ai soulevé plusieurs éléments qui m’ont fait grincer des dents.

Premièrement, je n’ai aucune idée pourquoi on parle de ses foutues boucles d’oreille. À plusieurs reprises, j’ai entendu des journalistes le mentionner et ça m’a vraiment dérangé. Pourquoi on parle de ça ? Est-ce qu’on perd de l’énergie à jaser de la montre d’un élu masculin ou de sa boucle de ceinture ? Vraiment pas… Alors pourquoi, quand il s’agit d’une femme, on s’attarde autant à l’apparence et aux bijoux ?

Son fameux sourire… Ben oui, elle est de bonne humeur, elle rayonne, elle dégage une aura de joie. And, so what ? Ça fait du bien, j’en conviens, surtout après avoir vu un gros bougon nous faire sa moue à outrance dans les dernières semaines mais on peut en revenir là… Ça fait des semaines qu’on a remarqué qu’elle a un style plus positif, peut-on parler plutôt de ses convictions, de son ton, de ses idées, au lieu, encore, de s’attarder bêtement à une image qu’elle projette ? Et, n’en déplaise à certains détracteurs, ce n’est pas parce qu’on a une banane dans la face qu’on n’a pas de contenu, en passant…

Je pourrais continuer ainsi longtemps mais je n’ai pas envie de faire perdurer ce discours. Est-ce qu’elle sera parfaite, cette nouvelle mairesse ? Pas du tout, tout comme l’ont été ses prédécesseurs mais on sait déjà que, de la part d’une femme, on va en exiger plus, qu’on va demander qu’elle ne fasse jamais d’erreur et qu’à la première frasque, on va mettre ça sur le dos de son sexe. C’est écrit dans le ciel ! Mais j’ose espérer que les journalistes ne tomberont pas dans le panneau du jugement facile…

Ça va faire du bien d’avoir de la nouveauté, de changer de façon de faire, de défaire les vieux réflexes et d’amener un vent de fraîcheur dans une gestion normalement très classique. On n’a aucune idée si ça sera mieux ou pire mais ce qu’on sait, c’est que malgré le « ménage » qui a été fait par l’omni-maire, il y avait toujours les mêmes joueurs qui se partageaient la tarte dans les travaux publics et que les mêmes vieilles méthodes perduraient alors essayer du neuf, ça ne peut pas vraiment faire de tort.

Et si, pour une fois, on cessait le cynisme et on se mettait tous ensemble pour collaborer à cette vague de nouveau ? Si, au lieu de chercher des poux, on s’impliquait, on s’assurait d’être présents dans tous les projets, on agissait comme des agents de changement, on s’informait de ce qui se passe au lieu de chialer après coup ? Me semble que ça ferait du bien et ça donnerait un autre ton.

Je n’habite pas Montréal mais, inévitablement, j’y passe, j’y travaille et je subis les décisions, bonnes ou mauvaises. Alors, en tant que citoyenne du Québec, qui doit vivre occasionnellement dans cette belle grande ville, j’ai envie qu’elle retrouve ses lettres de noblesse. Oui, les cônes oranges sont nécessaires quand on décide de rattraper le temps perdu dans la réfection des rues et installations municipales mais j’ai envie qu’on parle de ses forces, de ses trésors et de sa beauté pour une fois… Tout comme j’ai envie qu’on travaille, tous ensemble, pour montrer qu’une femme peut être à la hauteur de la mairie. Et qu’ainsi, on change un peu la face du monde. Et vous, ça vous tente ?

 

Photo : Unsplash | Alex Jodoin