La saison de la gratitude

Jakob Owens

Petite fraîcheur matinale et beau soleil brillant : combinaison parfaite pour mon bonheur. J’adore l’automne, avec ses couleurs flamboyantes, ses changements de température et cet esprit de lenteur qui s’installe. On dirait qu’on ralentit pour apprécier chaque minute d’ensoleillement, comme pour se préparer mentalement à l’hiver qui s’amène toujours trop vite. On enfile nos gros pulls de laine, on sort les foulards mais on repousse le moment où l’on doit porter des bas. Une étape à la fois…

C’est aussi la saison où je dévore des romans à profusion, en rafale, comme en rattrapage pour l’été où j’ai été plus à l’extérieur. La cuisine redevient aussi une activité plus fréquente. Avec le froid qui s’installe arrive immanquablement l’envie de faire fonctionner le four, de réchauffer la maison et de sentir les effluves de petits plats mijotés. C’est clairement le moment où je mitonne le plus.

Il y a nettement quelque chose de réconfortant dans cette saison intérimaire. On vit dans le déni par rapport à Noël qui va, encore une fois, nous surprendre trop rapidement. On est nostalgique de cet été qui s’est étiré et nous a fait rêver. On pense aux vacances qui nous ont fait du bien mais aussi à tout ce qu’on n’a pas eu le temps de faire malgré les promesses du printemps. On se dit que l’an prochain, ce sera différent, qu’on planifiera mieux, qu’on ne se laissera pas aller, pas cette fois. Mais au fond, on sait que c’est toujours ainsi et on se dit que, de toute façon, l’été finit toujours par revenir…

Ce cycle des saisons, une fois qu’on l’accepte et qu’on cesse de vivre à contre-courant, devient un élément clé de notre rythme personnel. Pour ma part, j’ai cessé de m’en vouloir d’être moins assidue l’été dans mes saines habitudes car je sais que dès l’arrivée de l’automne, tel un réflexe, tout reprend sa place. Je vais moins dans les extrêmes aussi avec les années et je me calme, tranquillement. Mais dès l’arrivée de septembre, je sens mon corps qui reprend son rythme régulier, celui qui me permet de respecter mon programme de course, de bien manger et d’accomplir plus de tâches.

Plus jeune, je pouvais tout faire : la fête, le sport, les excès et le boulot. Mais avec l’âge, on doit faire des choix et je cherche plus l’équilibre. Sans devenir une sainte, j’ai moins tendance à exagérer, comme si j’avais une balance intérieure qui tentait constamment de me ramener sur le droit chemin, sachant que le lendemain serait pénible. Mon corps ne tolère plus les abus, fidèle maître à bord qui me dicte mes possibilités.

Il fut un temps où ça me fâchait, comme si la débauche du passé m’appelait mais que j’étais incapable de m’y rendre, privée de ces moments de démesure. Mais j’ai compris que ce que je croyais être du plaisir n’était en fait que de la fuite et une fois ce constat fait, j’ai comme eu moins envie de cela. Je préfère aujourd’hui rester seule à la maison à relaxer et savourer ma vie que de passer la soirée à perdre le nord.

Certains me diront que c’est la sagesse de vieillir ou d’autres croiront qu’on finit toujours par se calmer. Peu importe la raison, mon rythme d’aujourd’hui représente où j’en suis dans ma vie. Comme je le mentionnais, je ne deviendrai jamais sage comme une image, j’ai mon intensité et mes moments d’éclat mais il y a moins d’exagération. Et maintenant, quand j’arrive à l’automne, je me sens moins fatiguée, puisque j’ai moins abusé tout l’été.

Reprendre la cadence régulière, l’apprécier et remercier la vie pour ces belles saisons qui nous apportent tant, aujourd’hui, ça me comble. Je n’aurais jamais cru être en mesure de vivre ainsi alors qu’il n’y a pas si longtemps, j’arrivais à peine à avoir assez de recul pour me comprendre. La vie peut être merveilleuse si on lui accorde l’importance qu’elle mérite. Et quand je vois les belles journées qui se dessinent devant nous, je me dis qu’on doit en profiter pleinement car ça ne dure pas éternellement…

 

Photo : Unsplash | Jakob Owens

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