Dernièrement, j’ai constaté à quel point j’omets de consacrer mon attention aux choses ordinaires parfois. Comme si je cherchais ailleurs ce qui est pourtant tout près, subtil mais bien présent. Je m’égare dans l’urgence des projets, dans la vitesse d’exécution et le flot incessant de courriels et autres messages. Mais, quand je m’arrête, je vois, j’entends et je sens tout ce qui est là, bien réel.
Ce matin, la pluie verglaçante fait rage chez-moi, les lumières vacillent et, malgré tout, j’entends des oiseaux chanter. Ça m’a toujours fascinée à quel point ces bêtes si minuscules font preuve d’une force tranquille. Ce sont des combattants, des éternels positifs, des entêtés. Certains diront que c’est ça avoir une cervelle d’oiseau, d’agir sans trop réfléchir aux dangers et prendre des risques inutiles. Mais je crois sincèrement qu’on a beaucoup à apprendre de la nature qui nous entoure. Faire fi des conditions exécrables et avancer, malgré tout. Adapter sa vitesse et son rythme mais poursuivre sa route, nonobstant les freins potentiels.
J’entends le verglas qui colle à la fenêtre dans une petite mélodie peu rassurante. Je devrai prendre la route tantôt, plus tard. Malgré l’inquiétude des conditions routières, je trouve une certaine poésie dans cette température. Tout s’arrête, les gens sont lents par prudence, les enfants sont heureux d’être « privés » de leur journée scolaire, les parents lâchent prise et restent à demeure avec leur marmaille. Il y a quelque chose de beau à être forcés de ralentir, de changer les plans. On ne sauve pas des vies, encore moins aujourd’hui. La terre continue de tourner malgré notre indisponibilité. Mais cette terre nous fait savoir qu’on l’a blessée, qu’on la maltraite. Elle passe ses messages…
Hier, je suis restée assise longtemps sur mon canapé, à reprendre mon souffle au retour de ma course. Dans le silence, je n’entendais que moi, que ma respiration. Et je me suis dis que je ne passe pas assez de temps à me concentrer sur celle-ci, qu’elle mérite pourtant toute mon attention, elle qui me tient en vie. J’ai fait un « body scan », un tour de ma maison intérieure. Ressentir les tensions, détecter les raideurs et spasmes pour délier le tout, pour ramollir ce qui s’est raidi.
J’ai pris le temps de boire de l’eau comme jamais auparavant, de sentir le liquide descendre, d’apprécier le fait que chez-nous, nous avons cette richesse accessible dans nos maisons, directement du robinet, filtrée, prête à consommer. J’ai pensé à tous ces gens qui doivent marcher des kilomètres pour espérer en trouver, à l’état brut, parfois contaminée. J’ai réalisé qu’on prend pour acquis cette substance essentielle à la vie.
Vendredi, je faisais changer mon panneau électrique. Le jeune homme chargé de cette besogne sifflait en travaillant. Avec le silence qu’apporte la coupure de courant, je pouvais apprécier son air. Entre mes tâches, je l’écoutais en souriant. Malgré la température ambiante qui baissait au fur et à mesure que le temps passait, j’ai réalisé que j’étais bien dans ma demeure, qui me ressemble et que j’ai fait rénover à mon image. Malgré ses petits bobos, malgré ses quelques défauts, ma maison est parfaite, à mes yeux.
Ce sont tous des petits moments de vie, ordinaires, banals et sans importance. Et pourtant, c’est dans ces instants futiles que j’apprécie ma vie, que je constate toute sa beauté, sa simplicité. Je réalise que je dois m’attarder davantage à ces parcelles de bonheur qu’aux difficultés qui ne définissent pas qui je suis. J’ai un toit, j’ai de l’eau, j’ai des amis, je suis en vie. Qu’est-ce qui est plus important que cela, après tout?
Photo : Unsplash | Greg Rakozy